Il y a exactement un an, Seb et Lise (de Babouche), à présent on se présente par le nom de son voilier) et Éric et France (de Vagabond) nous avaient mis en contact avec Gilles et Armelle (de Coccinelle), installés en Polynésie depuis quelques années. Gilles est notre ange gardien polynésien, il nous a merveilleusement arrangé notre séjour par ses contacts et connaissances du terrain ! Merci aussi à Armelle et aux filles qui nous laissent leur « maison » pendant 2 semaines !
Nous avons eu la chance d’être mis en contact avec Cécile et Joni, propriétaires du catamaran “Contre-temps” et amoureux des Marquises. Ils acceptent de nous prendre à bord de leur bateau pendant 10 jours et nous font découvrir avec enthousiasme l’archipel nord des îles Marquises (Nuku Hiva, Ua Huka et Ua Pou). Cécile et Joni s’avèreront être des guides de choix. Comme nous, ils aiment le contact avec les Marquisiens, ils sont curieux et respectueux de leurs traditions et ne se lassent pas (enfin, surtout Cécile !!!) de nous raconter tout ce qu’ils connaissent déjà depuis 3 ans qu’ils vivent ici.
Le soir nous dormons sur les plages car notre tribu est trop grande pour le cata, et c’est encore une bonne occasion de discuter avec les Marquisiens et d’en apprendre un peu plus sur leurs vies et traditions. Nous sommes partout chaleureusement reçus, les Marquises sont des îles abruptes et majestueuses, avec un relief fait de pics et de vallées. Chaque vallée est verdoyante et exploitée au mieux par la population locale. Elle regorge de fruits et de cultures en tout genre : cocoteraie, bananeraie, manguiers, goyaviers, avocatiers etc. Nous sommes fascinés par leur savoir-faire ; tout est exploité au mieux, les noix de coco se transforment en œuvres d’art, le bois sculpté en or, la pierre en tiki protecteur, les graines en colliers de fête et « pierres » précieuses, si bien que Siloé (reine des graines) ne sait plus où donner de la tête. Pendant que Mia et Elio s’éclatent avec leur masque dans l’eau et les vagues, Siloé arpente plages et vallées à la recherche des trésors de la nature et Nils lit à l’ombre de son cocotier. Nous sommes vite adoptés par la population locale et nous sentons bien. Nous essaierons le Va’a (pirogue polynésienne à balancier), apprendrons à ouvrir les noix de coco pour récupérer l’eau de coco et la chair…



Voici quelques brèves de notre séjour marquisien, ponctué encore une fois de belles rencontres. Sachez en effet que l’accueil et le sourire polynésiens sont largement à la hauteur de leur réputation !
Les Marquises, à 1500km au nord est de Tahiti et de l’archipel de la Société, est un archipel qui comptait près de 200 000 habitants avant l’arrivée des Européens (8000 aujourd’hui…). C’était un peu le berceau de la culture polynésienne.
Nuku Hiva, Eglise de Taipivai (Eric)

Un habitant nous montre les pans de bambou tressé, qui constituent une partie de la toiture de l’église. Ils ont été préalablement trempés 24h dans l’eau de mer pour éviter que les termites ne viennent anéantir ce long travail de tressage (elles ont déjà eu raison de la quasi totalité des églises en bois de l’archipel).
Il explique que les paroissiens se sont associés pour la construction de l’édifice et de la maison paroissiale, en 1995. Chaque week-end, à tour de rôle, plusieurs familles venaient prêter main forte. Les matériaux locaux étaient utilisés : plus belles pierres volcaniques, bambous… les sculpteurs locaux mis à contribution. Des ventes diverses ont permis de collecter des fonds.
« C’est chouette ! C’est un vrai travail communautaire !
– Oui, malheureusement aujourd’hui cela ne marcherait plus. Il y a toujours quelqu’un pour dire « mon voisin n’y est pas allé, alors je ne vois pas pourquoi moi j’irais… »
Les fruits des Marquises (Siloé)
Nous partons au village, chez Simon, pour chercher des fruits. Il nous a mis des pamplemousses énormes et tout verts, ils sont juteux et peu amers, ils ont du succès dans la famille, particulièrement chez Mia, elle adore ça ! Pareil, les avocats sont énormes et délicieux. Il nous ont aussi cueilli trois beaux régimes de bananes. Il faut les cueillir vertes, et les laisser mûrir tranquillement (au bout de 2-3 jours, c’est prêt, et en navigation, quand on a le mal de mer, c’est pas mal !).
Puis viennent les petits citrons verts et les énormes mangues. Les mangues, pareil, il faut les cueillir sur l’arbre, un peu fermes. À partir du moment où elles tombent par terre (c’est valable pour tous les fruits), elles restent pour la terre !
Les Marquisiens sont les rois de la bouture, du coup les variétés de mangues sont infinies.
Puis nous croisons des gens dans leur jardin, nous discutons quelques minutes et nous repartons les bras pleins de quenettes. Ce sont de petits fruits qui font penser à des litchis. Ils nous font goûter également un fruit qui ressemble au goût à une noix fraîche.
Nous retournons au bateau et embarquons pour une autre baie. Là, Cécile et Joni nous présentent Patricia et Ernest. Ce sont des gens adorables ; Patricia m’a fait découvrir les graines-cailloux, ensuite elle m’a montré les colliers qu’elle faisait, ils sont superbes. Gentiment, elle me les a offerts.
Elle nous a aussi montré comment ouvrir une noix de coco. En premier, ils la plantent sur un pic en métal pour arracher la bourre, puis en trois coups de machette, ils coupent la noix en deux. Maintenant, j’ai deux bols de coco et je peux apprécier la chair et le lait bien frais !
Ils nous expliquent qu’ici, ils ne mangent pas la chair de coco, mais ils la font sécher pour en faire du coprah. Le coprah est envoyé et vendu à Tahiti pour en faire de l’huile de coco.


Pour attraper les fruits en haut des arbres, les Marquisiens utilisent de longues perches de 5-6m de haut avec un filet au bout pour récupérer les fruits, sans qu’ils ne tombent.
Aux Marquises, tu n’as pas trop le choix en ce qui concerne l’alimentation. Il faut s’adapter, sinon t’es ruiné ! Telle est la devise. Exemple : un matin, quand des pêcheurs sont rentrés de la pêche, ils avaient du thon rouge et autres. Finalement, nous faisons un échange thon contre crêpes, car nous avions fait des crêpes ce matin-là. Nous nous retrouvons avec un thon vidé et coupé en filet !
L’arbre à pain est un gros fruit vert avec des piquants ; il est un peu l’équivalent de la pomme de terre en Europe, il sert d’aliment de base, et a sauvé les Marquisiens de période de famines.

Baie de Anaho, rencontre avec Raymond (Elio)
Un midi lorsqu’on voulait faire cuire le thon rouge qui nous avait été offert, le réchaud a lâché. En effet, la pompe qui permettait de mettre sous pression l’essence liquide ne fonctionnait plus. On s’en est sorti pour ce midi mais pour faire cuire le riz ce soir, ça causera un problème… Un peu avant le repas, papa et moi sommes partis demander à une pension s’il était possible d’emprunter leur gaz. Là, deux hommes jouaient de la musique, c’était Raymond et Gilbert. Ils étaient dans une maison ouverte de partout avec une grande table. Ils nous ont accueilli à bras ouvert en nous laissant l’accès à la cuisine. Le soir, ils ont l’électricité grâce aux panneaux solaires, ou aussi avec un groupe électrogène. Raymond a 64 ans quant à Gilbert, il est plus jeune. Ils nous ont montré leur façon de cuire le riz, installé une belle table, donné quelque mangues, bref ils étaient très gentils. Ils ont joué de la musique locale et chanté. Ils jouaient avec un ukulele taillé dans le bois et une guitare classique et chantaient des chansons en français ou en marquisien. Ensuite on a parlé et avant de rentrer, on les a remercié et donné un petit pourboire pour le gaz et leur gentillesse.
Raymond a travaillé pour les essais nucléaires français de Mururoa (un atoll des Tuamotus) dans les années 80, essais très critiqués pour avoir anéanti un récif corallien et eu des conséquences sur la santé d’une partie de la population locale.
« Beaucoup de gens critiquent ces essais, mais n’empêche que pour nous ça faisait du travail… »
Ua Huka
L’île compte une route, 3 vallées avec chacune une rivière débouchant sur l’océan, et 3 villages, un par vallée. 600 habitants au total. Nous rentrons en stop de notre petite balade, le couple nous raconte :
« On se rappelle, la première voiture est arrivée en 1968, avant tout le monde était à cheval. Et le premier avion, en 1972, les gens venaient le voir atterrir et décoller ! Certaines familles ont tout vendu pour aller vivre à Tahiti ; mais ce n’est pas bien là bas, il y a trop de voiture, de la pollution, des gens qui n’ont pas de toit… Ici, à Ua Haku, tout le monde a de quoi manger, il n’y a qu’à cueillir les fruits ou pêcher les poissons ! Pour gagner un peu d’argent, on vend le coprah (la noix de coco). Mais les jeunes aujourd’hui, ils peuvent passer des heures devant leur écran, par contre quand on leur demande de ramasser un tas de feuilles, c’est compliqué !»
Ils nous posent devant notre tente, et comme si le fait de nous avoir pris en stop ne suffisait pas, ils nous offrent un sac de mangues et quelques poissons qu’ils ont fait sécher au soleil et au vent du large !


L’école primaire de Ua Pou (Nils et Eric)
Sur l’île de Ua Pou, nous avons interrogé Jacob / Hutatoua, le directeur de l’école primaire de Hakahau, le village principal. Il est en train de finir un magnifique travail de sculpture sur bois, un Christ crucifié sur fond de pics de Ua Pou.

Combien d’élèves y a-t-il dans votre école ? Nous l’avons visitée, elle est très belle !
Il y a 320 élèves. L’école date de 1969, et elle a été agrandie et rénovée. Nous sommes autonomes en énergie grâce à nos panneaux solaires. Nous avons également un amphithéâtre de 200 places. Nous sommes équipés pour accueillir la population en cas de tsunami. J’aimerais aussi construire une piscine pour que les enfants puissent apprendre à nager.


Est ce que les enfants dans votre école apprennent les mêmes choses que les enfants d’une école en métropole ?
Les mathématiques, le français, la science sont enseignés de la même manière qu’en métropole, mais ici les enfants apprennent aussi l’histoire, l’art, la culture marquisiennes. Et ils ont 5h de marquisien par semaine.
Est ce que votre école fonctionne comme une école en métropole ?
Non, ici l’école commence à 7h30 ( il fait jour dès 5.30), la pause déjeuner est de 11.30 à 13h et la journée se termine à 15.30 le lundi, mardi et jeudi. Le mercredi et le vendredi, les enfants ont cours seulement le matin.
D’où viennent les enfants de votre école ?
De l’île de Ua Pou essentiellement. Il y a quelques enfants métropolitains. Certains enfants viennent d’autres vallées de l’île. Ils sont en internat à partir du cm1 et ils rentrent chez eux le vendredi après midi grâce à un service de taxi scolaire. Moi quand j’étais petit, je faisais le trajet à pied depuis mon village. Et le dimanche après midi, on revient à l’école pour une nouvelle semaine.
Enseignez vous d’autres langues que le français et le marquisien ?
Oui, les enfants font une heure d’anglais par semaine.
On essaie de promouvoir la culture locale. On va créer une école de sculpture. Les enfants apprennent aussi le va’a (pirogues polynésiennes à balancier), qui est une épreuve au baccalauréat.

Comment gérez vous les déchets ?
On fait du tri, le métal est compacté et renvoyé à Tahiti par le bateau, le verre est concassé et il est utilisé ensuite pour les routes.
Par ailleurs, nous avons créé une aire marine éducative, c’est un nouveau concept. Ce sont les enfants qui gèrent la mer et ses ressources.
Sika, le chien du bateau (Nils)
Bonjour, nous voguons aux Marquises sur le bateau Contre-Temps. Ce bateau a une particularité: c’est un catamaran où il y a un chien à bord, Sika. Joni et Cécile, les propriétaires du bateau, l’ont trouvé en Martinique. Après, ils partaient vers le Vénézuela et là bas il y a des pirates, alors ils voulaient un chien qui puisse les prévenir en cas de problème. Alors qu’ils posaient des annonces, ils remarquent une autre annonce qui disait qu’il y avait 4 chiots à vendre. Ils arrivèrent et prirent Sika. Depuis, Sika les prévient (il aboie) quand un bateau passe trop près, quand il y a des dauphins, des requins, des baleines…etc. Il les accompagne aux promenades, saute à l’eau quand ils prennent l’annexe, bref, c’est un chien adorable. C’est un labrador de taille adaptée au bateau. Si quelqu’un tombe à l’eau, Sika saute et tu n’as qu’à t’agripper à sa queue et il te ramène à bord.
Les Ils/Elles (Marion)
Parmi les traditions Marquisiennes que nous avons apprises, une m’a particulièrement fascinée car elle ne me rappelle aucune autre dans d’autres cultures, la tradition dite du « il/elle ». Pour faire court, bien avant que les conquistadors ne débarquent aux Marquises les familles étaient ici nombreuses et les mères avaient besoin d’aide à la maison. Le premier enfant né était donc désigné d’office pour être le bras droit de la mère à la maison. Si il se trouvait que le premier enfant était un garçon il serait élevé comme une fille pour participer aux tâches communes de la maison et aider sa mère; ce sera donc un « il/elle ». Sans réel changement de sexe, ce garçon s’habillera comme une fille et vivra comme si il était une fille même si plus tard il pourra vivre avec une femme et fonder sa propre famille. Quand les missionnaires débarquèrent aux Marquises cette tradition fut, bien-entendu, entièrement rejetée par l’église et les il/elle furent amenés à disparaître. Aujourd’hui, même si cette tradition n’a plus vraiment lieu d’être car les familles sont bien plus petites il n’est pas rare de croiser une il/elle fière et élégante. Est-ce cette tradition qui a rendu les Marquisiens plus respectueux de leurs femmes et plus égalitaires, rien n’est moins sûr. Dans tous les cas, il est flagrant ici que les femmes ont une place aussi importante que les hommes dans leur foyer et dans la vie en général. Même si les hommes restent majoritaires à la pêche, les femmes travaillent, conduisent, rient, dansent, boivent, au même titre que leurs hommes. Ça contraste avec les pays d’Amérique Latine où la femme a encore peu de libertés.
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A présent, nous sommes de retour sur les îles de la Société, sur le point de retrouver la famille Rosengren, fraichement débarquée de l’hiver suédois… Chouette, ça va être la fête ! Et le 28, on embarque avec Gilles sur Coccinelle.
A Moorea, confection de pareos avec Marie, et en compagnie de la famille de Patrick et Christelle, qui stockent gentiment nos vélos et affaires à Papeete (et qui nous hébergent au passage) ! Les Rosengren navigueront sur leur catamaran Maui, avec lequel Patrick et Christelle, et leurs 3 enfants, ont navigué depuis la France :
Que de rêves et que de couleurs quand ici c’est tout blanc!… On pense bien fort à vous!! Gros bisous de nous quatre!
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Vous nous manquez, mais vous nous faites rêver. Gros bisous. Éva
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Coucou Eva, nous avons passé deux jours avec toi ici. Nous avons rencontré Marie, qui te ressemble tellement; délurée, intéressante, drôle et flyée… Elle nous a appris à faire des paréos et nous a emmené dans son » secret garden » de Moorea, un vrai régal. Bisous et bon courage, il paraît que le froid fait rage.
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Vos mollets sont contents d’être un peu au repos. Mais les mains sont à l’oeuvre pour apprendre les gestes d’artisans, de cueilleurs. Merci pour les belles photos.
Et je prépare une petite liste de lectures pour Nils (à condition qu’il me rapporte des mangues). Bises de Paris (aussi gelées que des bises suédoises). Dominique&Cie
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C’est trop chouette, vous avez du vous régaler.
On pense bien à vous sous nos 10m de neige.
Des bisous
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Alors si j’ai bien compris, y’a plein de travelos aux marquises????
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Hej på er! Det är alltid så spännande att läsa om era äventyr. Och man lär sig alltid något nytt. Tror jag ska pröva det markisiska sättet att få upp en cocosnöt nästa gång. Senast tog vi till slut fram borrmaskinen…
Kram på er!
Sophie A, ou habitez vous? 10 m de neige?!?! Oh, la la!
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